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Quand la pub devient… féministe ?!

9 Commentaires

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Depuis quelques mois, les thématiques féministes semblent s’être trouvées une petite place dans le monde de la pub. Surtout connu pour l’utilisation de nombreux stéréotypes sexistes, il est d’autant plus surprenant de trouver dans ce milieu un (tout relatif) souffle de changements sur ce point. En effet, depuis le début de cette année, nous avons pu voir plusieurs marques utiliser des arguments féministes dans leurs pubs, voir pour leurs produits eux-mêmes. Nous pouvons ainsi citer Goldie Blox et leurs jouets pour petites filles inventives, HelloFlo et ses pubs pour dédramatiser l’arrivée des règles chez les jeunes enfants dotés d’un utérus fonctionnel, mais également de grandes marques comme Décathlon, Pantène, Dove, Verizon ou Always.

On trouve globalement deux types de pub : celles qui jouent la carte du message positif cherchant à inclure tout les habituels « exclu.e.s », dont les femmes, et celles qui dénoncent plus ou moins clairement des clichés misogynes.

Dans la première catégorie, on retrouve par exemple la publictié de Décathlon dont le slogan « Tout le monde peut jouer » veut refléter la volonté d’inclure dans les activités sportives tous les enfants : même ceux qui n’ont pas le physique du sportif idéal, et même les jeunes filles. La vidéo met ainsi en scène de jeunes garçons composant une équipe de foot mais évitant soigneusement d’y incorporer les enfants les plus chétifs ou les filles. A la fin de la pub, la jeune fille mise à l’écart arrive à montrer sa maîtrise technique du ballon, bluffant tous les garçons présents et leur montrant qu’elle aussi sait et peut jouer au foot.

Dans la seconde catégorie, on peut citer par exemple la très jolie pub de la marque Always qui chercher à remettre en cause l’utilisation négative de l’expression « faire quelque chose comme une fille ». On peut y voir des adolescent.e.s mimer l’expression « courir comme une fille » ou « lancer comme une fille » de manière très péjorative. Puis de jeunes filles à qui on demande de mimer les mêmes actions montrent qu’à leur âge, elles n’ont pas encore intégré le fait que l’expression « comme une fille » est négative. La publicité conclue sur le fait qu’utiliser ce genre de formule participe à la chute dans l’estime de soi que la majorité des adolescentes vivent, et donc qu’il faudrait arrêter d’utiliser cette expression pour désigner une faiblesse.

Dans le même esprit la marque Verizon a lancé une campagne de pub pour promouvoir la présence des filles dans les filières d’enseignement scientifique, en  montrant que toutes les petites remarques que l’on peut faire aux jeunes filles concernant leur apparence peut finir par avoir un véritable impact sur leurs aspirations.

Mais la mise en scène d’arguments féministes au sein d’une stratégie commerciale soulève des questions légitimes. Par exemple, quelle est la limite entre l’incorporation honnête d’une thématique féministe dans sa pub, et la volonté de faire du « feminism-washing« , c’est à dire de surfer sur la tendance et sur la potentielle polémique en utilisant des arguments féministes, mais sans se soucier réellement de la cause ? Pour être réellement légitimes, les marques devraient également mettre en place des politiques internes d’équité entre les hommes et les femmes, et veiller à ce que cette non-discrimination se retrouve dans toutes les étapes de développement, de fabrication et de commercialisation de ses produits ou services. Il faut d’ailleurs noter qu’une marque peut réussir avec plus ou moins de succès à maintenir une stratégie de communication axée sur le féminisme, prouvant au passage sa compréhension parfois limitée de certaines revendications. On peut citer par exemple la marque comme Pantène, qui avait su mettre en image la différence de perception entre les femmes et les hommes ayant le même comportement dans une pub assez efficace :

Mais Pantène s’est un peu planté en sortant récemment une deuxième pub dans le cadre de leur campagne #ShineStrong. En mettant sur le même plan les difficultés rencontrées par les femmes pour obtenir la parole lors d’une réunion de travail, l’occupation de l’espace public par les hommes et… le fait que son compagnon prend toute la couette. Un joli gloubi-boulga qui fait que la pub perd en impact et est très mal reçue (60% de pouces rouges sur Youtube) contrairement à la première vidéo.

En conclusion, il est difficile de ne pas voir un brin d’espoir dans l’utilisation de thématiques féministes dans un domaine aussi influençable que celui de la publicité, média de masse par excellence. La très bonne réception de la pub Always qui a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux ces derniers jours montre également que les consommateurs.trices, ou du moins, une certaine partie, sont prêt.e.s à prêter l’oreille à ces pubs revendicatives. Exploitation mercantile sans scrupule ou véritable volonté ancrée dans une politique de RSE, bonne ou mauvaise chose, difficile de le dire pour le moment, mais la tendance semble partie pour s’installer.

Auteur : Red F0xx

Étudiante en marketing et communication, aime traîner sur l'interweb mondial, membre de l'Eglise de la Licorne Rose Invisible (Blessed Be Her Holy Hooves).

9 réflexions sur “Quand la pub devient… féministe ?!

  1. Je vois tout de même un lien intéressant dans la 2ème pub Panthène, c’est que ça fait partie de l’éducation qu’on donne aux filles/femmes de toujours s’effacer, s’excuser effectivement. Et ca rejaillit sur tous les aspects de la vie quotidienne (même ceux qui paraissent futiles comme l’espace dans le lit). Donc pas si raté que ça pour moi.

  2. C’est juste dommage que la pub décathlon soit tournée au Maghreb et que la petite fille soit blonde/européenne… Ç’aurait été plus pertinent de montrer ça dans un pays européen, où les garçons aussi excluent les filles de leurs terrains de football!

    • Attention dans cette pub il y a au moins 3 terrains de jeu différents (il y a un gamin que je n’arrive pas à situer sur les trois terrains) et 3 enfants exclus.
      Dans l’ordre, la plage, le « parking » et le terrain en pelouse.

      (Désolé si ce qui suit contient des clichés, mais c’est une pub qui en as quand même quelques uns et mon explication nécessite de les utiliser)
      La plage est sous entendu comme étant d’un pays ibérique ou d’Amérique du sud.
      C’est un garçon visiblement plus petit que les autres qui est exclu de la partie. Il porte aussi une tenue plus soignée que les autres enfants et est un peu plus gros ce qui peut sous entendre qu’il s’agit d’un enfant « sage » ou pas sportif.

      Le « parking » semble être coincé entre des barres d’immeuble et peux être assimilé à une banlieue. Le « petit gros qui choisit » et le garçon derrière lui on l’air maghrébins, le plan large un peu flou permet d’identifier 2 enfants noirs mais le contre-jour ne permet pas de dire la couleur de peau des autres enfants. Cella peut donc faire penser au cliché d’une banlieue française.
      C’est un garçon qui semble plutôt grand et maigre qui y est exclu. Il porte aussi des lunettes et se tiens les mains devant lui comme pour indiquer que c’est un timide. Il incarne donc le cliché de l’intello timide qui ne sait pas jouer au foot et qui préfère lire.

      La pelouse est entourée de barrières et possède un éclairage alors que les quelques plan larges indique une zone rurale. La tenue des enfants (et notamment la capuche de la fille m’ont d’abord fait pensé au Royaume-Uni mais la maison en arrière plan et le chêne peuvent indiquer la France. En tout cas c’est une fille blanche entourée presque exclusivement de garçon blancs dans un pays suffisamment riche pour avoir des terrains entretenus et éclairés à la campagne.
      La le cliché est simple, c’est une fille donc elle est nulle au foot.

      Il est à noté que ce clip n’est pas seulement anti-sexiste, mais anti-discriminatoire au sens large. Seule la fille a son « moment de gloire » où elle démontre son talent car c’est le seul terrain où les joueurs perdent le ballon et il atteint le.a joueur.se exclu.e, mais la presque juxtaposition rapprochée des trois scènes semblent sous-entendre que les deux garçons auraient pu démontrer un talent similaire si ils avaient eu le ballon.

      TL;DR : Seul une scène peut être sous-entendu comme étant localisée au Maghreb (et encore, ça peut être un cliché de banlieue européenne) et la fille est bien exclue d’un terrain européen.
      (En suivant les sous-entendus et les clichés inhérents à la pub)

      Et donc je suis pas d’accord avec ce que tu dis Olympe.

  3. Vaste question…

    Même si je suis toujours la première à râler quand je vois des clichés, que ce soit dans les pubs, dans les films, les séries, etc., bref, dans tous les médias de masse, j’ai malgré tout du mal lorsque la problématique est mise en avant au nom du « rachat commercial » que cela suppose.
    J’avoue ne pas avoir très envie que les idées féministes soient soumises à une question de marché… Mais dans un monde comme le nôtre, qui ne mise finalement que sur une croissance infinie impossible, est-il vraiment possible que ça se passe autrement ? Peut être, mais uniquement en lien avec une volonté politique…

  4. Il me semble important de considérer d’abord la publicité pour ce qu’elle est : un outil de manipulation au service du monde marchand (bref, l’économie, le capitalisme). À côté de ça, le fait qu’elle soit féministe, écologiste, à portée sociale, etc. n’a qu’une importance très relative. Mettre en valeur ces aspects progressistes contribuerait à la légitimer la publicité dans son ensemble, ce qui est problématique à mon sens. Ce serait comme essayer de trouver quelques mots féministes au milieu d’un discours profondément raciste (par exemple), et les ayant trouvés, de dire : « ah mais ça a l’air de s’améliorer, prenons quand même garde au feminism-washing. » Il y aurait là une certaine contradiction pour qui lutte contre les oppressions et les dominations en général.

    • Merci pour votre commentaire ! Par contre je ne pense pas que mettre en avant le fait que certaines marques utilisent des messages féministes puisse légitimer la publicité. Elle reste un moyen de communication commerciale, malgré le fait que certaines entreprises soient peut-être sincères dans leur démarche. Le but n’est pas de dire « la pub devient éthique » mais d’essayer de parler d’un phénomène qui a lieu au sein d’un média très présent dans nos vies actuelles.

  5. Merci pour cet article! Ces pubs auront peut-être le mérite de faire naître une certaine prise de conscience… Je me rappelle qu’enfant, les pubs vues la veille étaient reprises comme parole d’évangile dans la cour de récré 🙂 et si cela peut aider quelques fillettes à mieux s’intégrer sur les terrains de sport, tant mieux!
    Après, il est certain que les annonceurs ne cherchent pas vraiment à aller plus loin que le buzz positif et la vente de leur produit… disons que la pub reste une représentation de la société. Sur le plan du féminisme, il y a un certain progrès dans les mentalités mais le fond du problème (patriarcat) reste bien intact…

  6. Je trouve cet article très intéressant. Je m’intéresse depuis peu au féminisme, je reconnais qu’avant j’en avais une mauvaise image. C’est pour ça que je trouve intéressant ces messages féministes dans les publicités. Etant un média de masse qui fait parti de notre quotidien, c’est important qu’on donne une image des femmes telles que nous le sommes. Il faut, quel qu’en soit le moyen, renouveler l’image de la femme, qui s’affaiblit de plus en plus. Même si ça a un fond commercial, je préfère de loin ces pubs là à celles encore remplies de clichés.
    D’ailleurs dans cette lignée, il y a aussi cette pub pas vraiment féministe (puisque c’est encore la femme qui fait le ménage) mais qui justement se moque d’une certaine façon des hommes. http://www.youtube.com/watch?v=rH-UaaID8FM

  7. Bonjour et merci pour l’article,

    Cela est encourageant mais minoritaire. J’écris ce commentaire pour vous transmettre le lien vers une pétition que nous avons lancé pour demander l’arrêt du sexisme ordinaire dans les pubs de lessive.
    Cette pétition a démarré avec la création d’une déambulation sur la défense des droits de la femme pour la mairie de Feyzin (Rhône). Nous voulons porter cette requête à son terme, nous avons besoin de l’appui de tout le monde.
    Voici le lien si vous voulez le transmettre:
    https://www.change.org/p/le-service-communication-du-groupe-procter-and-gambler-france-ariel-dash-le-service-communication-du-groupe-henkel-france-mir-le-chat-le-service-communication-du-groupe-unilever-france-skip-arr%C3%AAter-le-sexisme-ordinaire-%C3%A0-travers-les-campagnes-publici?utm_source=guides&utm_medium=email&utm_campaign=petition_week_one

    Je reste à votre disposition si vous avez besoin d’information complémentaire.

    Bien cordialement,

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