Les Dégenreuses

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Sephora et la femme-enfant

17 Commentaires

En passant lundi matin devant le magasin Sephora de mon quartier, j’ai eu un bug. Je ne croyais pas ce que je voyais. Je me suis arrêtée, j’ai fait quelque pas en arrière et j’ai pris le temps de décrypter ce que j’avais sous les yeux. Dans les vitrines de la boutique, sur d’immenses panneaux s’étale cette image (ici reprise de leur site internet) :

Pub sephora mars 2013
Fond rose pastel, jeune femme cadrée au niveau du buste, cheveux blonds, peau très blanche, yeux maquillés, col claudine et tétine – rose évidemment. Le slogan ? « New age, retour vers la jeunesse« .
Sephora nous ressort l’imagerie de la lolita. Imagerie déjà bien exploitée par les publicitaires, surtout dans le milieu de la mode et de la cosmétique. Mais ici, exit la femme-enfant, bonjour la femme-bébé. La sucette-confiserie, accessoire fétiche de la Lolita, a été remplacé par la sucette-tétine.

Affiche du film "Lolita" par Kubrick

Affiche du film « Lolita » par Kubrick

Mais loin d’évoquer une certaine innocence ou candeur, l’image est chargée de sous-entendus. Regard lascif en coin avec les yeux mi-clos, bouche entrouverte sur la tétine, col porté sur un buste nu rappelant une esthétique SM. La pose suggère donc clairement la séduction.
Ici, la jeunesse extrême est donc présentée comme un atout de séduction. Si le thème de la jeunesse est fréquent dans les pubs pour les cosmétiques et la grande conso en général (cf Evian et ses bébés danseurs), son utilisation dans cette publicité en particulier est assez malsaine. En effet, ce thème de la jeunesse mis en avant dans le slogan « Retour vers la jeunesse » est ici lié au thème de la petite enfance. Ainsi, il ne suffit plus d’avoir une « peau jeune », mais bien de retourner à un état de jeunesse, au stade de l’enfance pour être belle et pour séduire. La femme représentée sur cette affiche, malgré la tétine, malgré le col claudine en plastique rose un brin ridicule, reste attractive, séduisante. L’affiche n’a pas été conçue pour faire rire, mais pour faire envie. Choisir de mettre en scène une femme portant des symboles de la petite enfance (tétine, col, cheveux attachés) et dans le même temps des symboles de séduction (maquillage chargé des yeux, bouche entrouverte, regard lascif) est pervers. Car cela insinue qu’un petit enfant peut être séduisant. Ou qu’une femme n’est séduisante que si elle a l’apparence d’une petite fille. Le message véhiculé est abject. Cette image est abjecte. Notre société n’en a visiblement pas fini avec l’imagerie gerbante de la femme-enfant, ici poussé à son paroxysme de ridicule. Alors chers publicitaires de chez Sephora, je vous en prie, la prochaine fois, essayez de nous sortir des visuels moins horribles.

Auteur : Red F0xx

Étudiante en marketing et communication, aime traîner sur l'interweb mondial, membre de l'Eglise de la Licorne Rose Invisible (Blessed Be Her Holy Hooves).

17 réflexions sur “Sephora et la femme-enfant

  1. A reblogué ceci sur notachocolatecake and commented:
    Pub sexiste – Le gagnant de la semaine (20)

  2. A reblogué ceci sur TCHiiiP !!!.

  3. Pingback: Dictature de la beauté | Pearltrees

  4. Encore une pub qui ne me laisse pas indifférente !
    Sephora joue sur la provocation.
    Je trouve ce col d’une vulgarité sans nom !

  5. … mais n’est-ce pas le fruit certes peu comestible mais somme toute logique de l’alliance entre l’ultra libéralisme économique et l’ultra libéralisme moral ?
    Leur caractéristique commune étant de nier – ou de refuser – toute existence d’une possible référence morale objective. Les termes de « malsain » ou « pervers » n’ont aucun effet sur cela : s’agissant de jugements moraux, il sera toujours possible de prétexter qu’il ne s’agit là que de ressenti personnel et subjectif, que vous ne pouvez pas vouloir imposer aux autres.

    Ces deux mouvements, ou ces deux évolutions, ou ces deux systèmes de pensée, ce sont développés et défendus justement par le principe que tout principe moral est subjectif, que la morale évolue sans cesse, qu’elle n’a aucun socle objectif, aucune valeur en soi.

    C’était le leit-motiv des étudiants bourgeois de Mai 68, ou dans les années 70 des intellectuels en vue qui prenaient la défense de tout ce qui pouvait ressembler à une remise en question radicale de la morale : dans les pages de Libé ou du Monde d’alors, les appels en faveur de la libéralisation des mœurs dont on se rappelle encore de nos jours (contraception, IVG, partenaires mutliples…) côtoient de très officiels appels à décriminaliser la pédophilie (au sens de relations sexuelles/amoureuses avec des mineurs, pas de sévices ni de meurtres, bien entendu).

    Pour le libéralisme économique, tout ce qui se vend ou fait vendre est acceptable, c’est le seul critère. La moralisation de l’économie, de ce point de vue, est une hérésie.

    Pour le libéralisme moral, tout jugement moral est une atteinte à la liberté. Tout ce qui ne tue personne est un bien, point.

    Cette publicité découle de ce même type de logique. Pour la critiquer, il faudrait réhabiliter l’idée même de morale. Et ça, ça prendra du temps.

  6. Personnellement, j’adore ! Chacun ses goûts….

    • On peut trouver l’image « esthétiquement » réussie, mais ne pas cautionner les sous-entendus qu’elle véhicule =)

  7. Il y a aussi une tout nouvelle campagne de publicité Sephora, la critique est ici http://www.lecritiquedepub.com/sephora-vertigo/

  8. Je trouve vraiment dommage que de prendre la femme que pour sont côté sexy , les femme ne sont pas des objets ou de la marchandise .
    Alors qu’une femme avec un côté enfantin c’est très Mimi .
    Cordialement .

  9. Je trouve écoeurant le jeu des femmes-enfants pour faire faire ce qu’elles veulent aux hommes. L’enfant a beaucoup de pouvoir dans une famille parce qu’il en a besoin (il change les horaires des adultes, il asservit la jeune mère à son ventre sous horloge, il fait du bruit, ilfait des bêtises… le quotidien d’une créature en apprentissage de la vie). Une femme est censée être capable de se démerdée, surtout depuis la direction assistée dans les voitures et les ouvertures faciles sur tous les paquets de pâtes ! Alors voir mecs tomber dans le panneau et pardonner les deux heures en retard, payer les fringues et s’asservir comme de grands benêts en mal de paternité, j’enrage !
    La pub est ignoble, et transcrit bien ce côté « dominatrice par effet de soumission apparente ». Femmes, cessez de jouer les bébés pour séduire les hommes, les guilis guilis au lit pourquoi pas, mais la norme de la cruche pour rassure ces messieurs, c’est lourd.
    EDIT : C’était pour réagir au ‘une femme avec un côté enfantin c’est mimi »… bon sang, mimi…. ça veut dire quoi ? On lui pince la joue avant de la sauter ?

    • Votre commentaire manque visiblement le sens de cet article. Il ne s’agit pas de stigmatiser les femmes qui se comportent « comme des enfants » (elles font bien ce qu’elles veulent dans leur vie privée tant que tout le monde est consentant), mais l’imagerie de l’enfant sexy, de la lolita, de la femme encore enfant, imagerie véhiculée par la pub et la culture populaire.

    • c’est tout à fait la réponse d’un mec matcho .

    • c’est du lourd votre réponse n’importe quoi .

  10. Il y a ce que les hommes attendent, et ce que les femmes s’approprient. Quand une femme qui se plaint de son mari, patron, salaire inégalitaire et autre, vous balance « le féminisme ? Ce truc de castratrice ? On en est plus là voyons… », il y a bien une forme d’appropriation de la perception patriarcale de la place des femmes dans la société. « Oui, c’est surtout moi qui garde le petit, mais mon chéri a besoin de temps pour son entreprise, il préfère bosser plus pour compenser mes pertes financières » (dixit une femme qui venait de monter son cabinet et qui avait toute une clientèle à se faire…), appropriation aussi. Ce que je voulais exprimer, avec mon commentaire lâché sous le coup d’une impulsion et insuffisamment explicite, c’est que des femmes qui se comportent volontairement comme des mineures par rapport à des hommes qui seraient eux majeurs et responsables, me font enrager. Car l’accession à la majorité d’un point de vue légal par les femmes a été un combat. Mais que par facilité, être portée est parfois plus simple que de porter le poids de ses responsabilités.
    Evidemment que l’infantile fait partie des jeux de confiance entre couples, on est encore enfants quelques part et on livre à l’autre sa part immature. Je ne parle pas de cela, mais d’une systématisation du comportement femme-enfant dans le but d’obtenir un comportement de dévotion/indulgence chez le partenaire.
    Le lien avec la pub Séphora (dans ce que j’en ai perçu) est bien que celle-ci s’adresse aux femmes, et non aux hommes. Aux femmes dans leur perception de ce qui plaît aux hommes. Une telle publicité montre une appropriation de l’imaginaire femme-enfant, sexuellement mûre et socialement mineure, apte à appâter le mâle. Ce qui n’est pas la même chose que des images de femmes fortes, de femmes décidées, de femmes qui se livrent à diverses activités qui ne leur donnent pas des allures d’enfants perverses, bref, des femmes qui donnent la sensation d’être des égales, des interlocutrices, et non pas des objets sexuellement forts et physiquement faibles (esthétique SM).

    • Je comprends mieux ce que vous avez voulu exprimer. Mais je tiens à le dire, même si « l’accession à la majorité d’un point de vue légal par les femmes a été un combat », le fait qu’aujourd’hui une femme a le droit de se comporter d’une manière que vous jugez « enfantine ». Le principe c’est que les femmes doivent avoir le choix d’être des business women ou d’être des femmes au foyer, sans être jugée pour ça. Ensuite dans le cas particulier ou le conjoint force sa compagne à ne pas travailler du tout/assez , on est dans une relation clairement abusive.
      Concernant l’appropriation de la perception patriarcale par les femmes, vous avez raison, nombre de femmes intériorisent les injonctions. Et notamment les idées fausses autour du féminisme.

  11. Bonjour, étant une (ex) mannequin, je peu juste dire que cette image n’est pas malheureusement pas rare. La tétine est énormément utiliser pour des séances photos. L’Oréal a même coller une tétine dans la bouche de deux magnifiques femmes pour de la crème « peau de bébé ». Plusieurs photos avec tétine :

    L’Oréal : https://scontent-cdg2-1.xx.fbcdn.net/hphotos-xpt1/t31.0-8/s960x960/11794295_1013982521986937_2535770846354972078_o.jpg

    Pour une association : https://scontent-cdg2-1.xx.fbcdn.net/hphotos-xap1/v/t1.0-9/11825059_1013982368653619_4262703979927236996_n.jpg?oh=f2f8d0c3513ee014c553369287301af3&oe=56442EEC

    Mannequin avant une séance : https://scontent-cdg2-1.xx.fbcdn.net/hphotos-xta1/v/t1.0-9/11244894_1013982245320298_5437918689111901365_n.jpg?oh=38a157f76c32911042d715e024ea26ba&oe=568190BE

    Généralement, les filles le fond sans plaisir (sauf pour association), j’ai accepter de le faire pour l’argent (2000 euros pour la séance de 3h, c’est difficilement refusable) mais j’ai regretter au point d’avoir honte. Entièrement d’accord avec toi, je peu comprendre le fait d’aimer un « gros bébé » (quoique…) mais rendre une femme sexy plus mignonne car elle fourre une tototte pour un coté « enfantin » ou « bébé sexy », c’est du sous-entendu douteux.

  12. Petite précision : si la tétine est très utilisé dans le mannequinat, c’est surtout pour les modèles enceintes, qui par amusement, accepte la tétine (qu’elle maman n’a jamais fait le jeu de la tétine avec son bébé ?), pour le coté rigolo en plus d’un meilleur salaire. Personnellement, j’ai accepter 3 fois la tétine (3h quasi non stop en bouche !), les deux premières pour le coté « maman enceinte qui suce la futur sucette de bébé » mais la troisième et dernière fois, pour le même concept de L’Oréal et Sephora. Heureusement que la plupart ose pas faire des campagnes avec, mais meme 2 ans après, Sephora, l’Oréal me dégoûte toujours autant.

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